Allemagne: Premier succès commercial et artistique

Wintergarten

Le 1er novembre 1895, au variété "Wintergarten" à Berlin, les frères Emil et Max Skladanowsky (1863-1939) ont présenté pour la première fois en public leurs «images vivantes». Ils montraient des attractions de foire mises en film comme Das boxende Känguru (Le kangourou boxant) et des scènes des rues de Berlin. Le troisième des frères, Eugen, plus tard avait l'idée de créer des entractes comiques pour les présentations et tournait de court métrages comme Die Fliegenjagd (La chasse aux mouches) et Eine moderne Jungfrau von Orléans (Une Jeanne d'Arc moderne, 1896) qui durait environ 15 minutes. Mais l'appareil des frères Skladanowsky, sur le plan technique, ne pouvait pas atteindre la supériorité du cinématographe de Louis Lumière et il leur manquait d'ailleurs l'argent afin d'améliorer et de distribuer leur invention.

Oskar Messter qui était spécialiste de la fabrication de projecteurs avait davantage de succès car il produisait aussi ses propres films garantissant ainsi à sa clientèle de ne pas manquer de nouveaux produits. D'abord, lui aussi, il mettait en film des scènes des rues berlinoises, mais en 1896 il ouvrit le premier «atelier de lumière artificielle». Ses premiers films étaient de petites burlesques comme Frisch gestrichen (Peinture fraîche) et Die gemütliche Kaffeetafel (A table en buvant confortablement du café) pour lequel il avait filmé sa propre famille.

Asta Nielsen

Jusqu'en 1910 environ, la production de films allemands restait insignifiante. Mais au cours de cette année, Henny Porten (1890-1960) jouait son premier rôle principal chez Meßter dans le mélodrame Das Liebesglück einer Blinden (Le bonheur d'amour d'une aveugle) qui avait un grand succès. Dans l'année suivante, à Berlin, de nombreux nouveaux cinémas ont ouvert leurs portes. En 1911 également, l'actrice danoise Asta Nielsen (1881-1972) et son mari, le metteur en scène Urban Gad (1879-1947), sont arrivés en Allemagne. Le premier film allemand avec Asta Nielsen était Nachtfalter (Phalène, 1911) auquel suivait toute une série d'autres films comme Der fremde Vogel (L'oiseau étrange, 1911), Die arme Jenny (La pauvre Jenny, 1911/12), Das Mädchen ohne Vaterland (La fille sans patrie, 1912), Engelein (Petit ange, 1913), Die Suffragette (La suffragette, 1913) et Die ewige Nacht (La nuit éternelle, 1914). Dans tous ces films, le metteur en scène était son mari, Urban Gad, mais le succès, en premier lieu, était dû à Asta Nielsen dont l'interprétation nuancée et la geste réfléchi la rendaient en vedette de cinéma précédant son époque.

En 1913, on produisait déjà 313 films en Allemagne, la plupart consistaient en deux ou trois actes. Ernst Lubitsch (1892-1947), connu d'abord en Allemagne et plus tard à Hollywood comme metteur en scène, tournait en 1913 son premier succès sur écran comme acteur avec le metteur en scène Carl Wilhelm, Die Firma heiratet (L'entreprise se marie), auquel peu de temps après suivait une suite, Der Stolz der Firma (La fierté de l'entreprise, 1914).

Der Student von Prag

En attendant, des acteurs de théâtre commençaient aussi à s'intéresser pour le cinéma. Ainsi, par exemple, Albert Bassermann (1867-1952) jouait dans le film Der Andere (L'autre, 1913) de Max Mack (1884-1973). Le célèbre chef de théâtre berlinois Max Reinhardt (1873-1940) tournait Eine venezianische Nacht (Une nuit vénitienne, 1913) avec des acteurs de son troupe. Mais plus signifiant encore était l'acteur Paul Wegener (1874-1948). Sous le metteur en scène danois Stellan Rye (1880-1914), il jouait dans le film Der Student von Prag (L'étudiant de Prague, 1913). Cette histoire fabuleux et mystique du pauvre étudiant qui vend au diable son image reflétée par le miroir était un grand succès à l'étranger aussi. En metteur en scène, Wegener avait également du succès; par exemple, avant la première guerre mondiale, avec le film Der Golem (Le Golem, 1914) qui joue aussi dans le monde des fées et des mythes.

Ici déjà on trouve les débuts de l'expressionnisme cinématographique qui après la première guerre mondiale rendait le cinéma allemand célèbre dans le monde entier.