La Belle Epoque en Europe
Introduction
Le terrain cultivateur

Après la guerre franco-allemande de 1870/71, l'Europe voyait une époque de paix
intérieure pendant 43 années jusqu'au début de la Première guerre
mondiale. Pendant cette période, un bon nombre de développements importants avait lieu,
surtout dans ces pays d'une influence particulière comme l'Angleterre, la France, l'Autriche et l'Allemagne.
La deuxième vague de la révolution industrielle saisissait le monde. Cela
concernait surtout l'industrie chimique et électrotechnique, il commençait le temps des
moteurs à explosion et de la production en série d'acier; les machines devenaient plus
grandes et plus efficaces, les vaisseaux plus grands et leur construction moins chère, la
propulsion changeait de la roue à l'hélice, du piston à la turbine et doublait la
vitesse. Pour les chemins de fer on construisait maintenant des rails en acier sur lesquels des trains
plus longs et plus lourds roulait une fois et demie si vite qu'auparavant; ainsi ils devenaient le
moyen de transport le plus important. En même temps on se préparait à la
conquête définitive de l'air: On construisait les premiers avions, et
l'aérostat du comte Zeppelin faisait de l'histoire.
L'industrialisation créait la possibilité de nombreux emplois sans la
nécessité de posséder du terrain. En raison de cela, l'Europe voyait une
croissance de la population incomparable (en Angleterre, cela s'est produit déjà
pendant lapremière moitié du XIXe siècle). La situation des usines faisait que de
plus en plus des familles venaient dans les villes qui agrandissaient rapidement en se transformant en
des agglomérations.
Il en résultaient de nouveaux problèmes sur le plan de la santé, mais en
même temps il y avait un progrès énorme sur le plan de l'hygiène et de
la médecine. Des maladies auparavant mortelles ne l'étaient plus, la
mortalité des nouveau-nés diminuait remarquablement pendant que l'espérance
moyenne de vie augmentait.
Cependant le caractère du travail avait changé: Les processus de fabrication
étaient divisés, mécanisés, rationalisés jusqu'à l'invention
de la chaîne de montage (en 1903). La monotonie et le mécontentement des ouvriers en
étaient les conséquences que l'on pouvait partiellement compenser par un essor
économique considérable et une prospérité générale; par
exemple, en Angleterre entre 1850 et 1890, les salaires nominaux augmentaient de plus de 60 % tandis
que les prix de consommateurs baissaient de 6,5 %!
Dans ces conditions, les ouvriers commençaient à s'organiser: Entre 1868 et 1906, dans
tous les pays, la fondation des syndicats et des partis ouvriers (socialistes) comme le PSU, le
SPD, le Labour Party, avait lieu. Jusqu'en 1914, ces partis obtenaient une influence politique
considérable et même, en partie, la participation au pouvoir.
Beaucoup d'états s'efforçaient de laïciser les institutions; la France par
exemple réussit en 1905 à séparer complètement l'église de
l'état.
On poussait aussi la formation; sous l'empire allemand, il y avait un nombre accroissant
d'étudiants provenant de la petite bourgeoisie. Pendant les années soixante-dix et
quatre-vingts, les premières femmes obtenaient le droit de s'inscrire à
l'université en France, en Belgique, en Suisse, aux Pays-Bas et dans les pays de la Scandinavie
(sous le règne de Guillaume II en Allemagne, la première femme fut admise en Bade en
1901 seulement).
L'industrialisation qui occupait un grand nombre de femmes dans les fabriques ainsi causait aussi le
mouvement des femmes: on réclamait la protection du travail et l'égalitarisme des
femmes dans toutes les professions. En outre, on réclamait partout le droit de vote et
l'éligibilité des femmes. Le premier état à instaurer le droit de vote des
femmes fut Wyoming en 1869, d'autres états américains suivaient cet exemple - avant la
première guerre mondiale, en Europe, uniquement la Finlande en 1906 et la Norvège en 1913 (restraint en 1907)
accordaient aux femmes le droit de vote.
Un mérite considérable du développement scientifique et de la hausse culturelle
est dû aux juifs européens. Le XIXe siècle était l'époque de
l'émancipation et de l'assimilation juives. Tandis que, toutefois, en Allemagne sous Guillaume
II et en Autriche sous François-Joseph, le militaire possédait une influence politique et
sociale considérable de façon que, avec les couches supérieure et moyenne, ils
provoquaient un antisémitisme raciste, la situation en France était telle que les
juifs d'abord ont dû souffrir l'affaire Dreyfus qui pourtant - après que le scandale fut
devenu public et la cassation du verdict accomplie - avait pour conséquence un
«antimilitarisme militant» dans la société qui refusait toute forme
d'antisémitisme.
La fin du XIXe et le début du XXe siècle marque aussi la transition au siècle
des masses: le transport des masses (les chemins de fer, le métro), la formation des masses,
les logements des masses, les distractions des masses (le cirque, le cabaret, le cinéma), mais
aussi l'art pour les masses.
En général, les gens de l'époque étaient matériellement confiants et
culturellement optimistes. L'art de tout genre fleurissait comme jamais auparavant: De
l'Impressionnisme à travers l'Art Nouveau jusqu'au Cubisme, la musique du Romantisme au
Dodécaphonisme, la littérature, romantique, sociocritique, politique, lyrique. Toutes
les couches sociales se trouvaient dans un sentiment de nouveau départ, voulaient mettre un
terme à la tradition, faire partie du progrès et jouir de leurs revenus. Ainsi, sur cette
base, commença l'époque que nous appelons, aujourd'hui, la Belle Epoque.
La Belle Epoque

En parlant de la Belle Epoque, chacun a normalement ses propres idées de quelle période
exacte il s'agit. Il n'y a pas de doutes qu'elle avait lieu quelque temps entre 1871 et 1914. Chez les
historiens, le terme n'est pas décidément fixé. Quand alors a-t-elle
réellement commencé, et combien de temps a-t-elle duré?
En décembre 1877, à Londres, William Morris tenait son discours regardant les «Decorative
Arts»; le mouvement «Arts and Crafts» se développait vers 1880. Oscar Wilde
contribuait en 1882 à répandre l'esthéticisme en publiant ses traités de
«House Decoration» ou «Art and the Handicraftsman». A Paris, le «Chat
noir» ouvrait ses portes en 1881, le «Moulin rouge» en 1886. A Nancy, en 1883, Emile
Gallé fabriquait ses premières oeuvres en verre, et l'exposition universelle à
Paris avec la Tour Eiffel avait lieu en 1889. A Munich, la fondation de la Sécession a lieu en
1892, celle de la revue «Die Jugend» (La Jeunesse) en 1896; en 1897 suit la Sécession
à Vienne.
Il y a peu de temps j'ai lu dans l'oeuvre d'un historien qu'il datait le début de la Belle
Epoque à l'an 1901 quand Edouard VII (un grand admirateur de l'Art Nouveau) montait sur le
trône ce qui signifiait la fin de l'ère victorienne. Cela me paraît trop tard et
bien arbitraire. En évaluant ces quelques dates mentionnées ci-dessus, on reconnaît
deux choses: La Belle Epoque durait trois bonnes décennies et s'épanouissait à
Londres, Paris, Munich ou Vienne à des périodes différentes; l'intronisation
d'Edouard VII en 1901 se trouve au point culminant de cette ère. Un autre aspect non
négligeable est l'influence considérable de l'Angleterre victorienne, des empires
français et allemand ainsi que de la monarchie austro-hongroise sur le changement social et
culturel qui se déroulait pendant les deux dernières décennies du XIXe siècle
- et il y a des liens de là vers la Belle Epoque comme par exemple l'impressionnisme qui pour
moi fait au fond déjà partie de la Belle Epoque.
Des termes pour caractériser la Belle Epoque sont par exemple la satiété du
traditionnel dans l'art, l'architecture et la vie quotidienne, du faste et de la pompe du passé.
La joie de vivre s'éveillait dans toutes les couches sociales, le désir du nouveau,
extraordinaire, sensationnel. Le progrès déjà mentionné des sciences et de
la technique, les améliorations sur le plan social, financier et politique pendant une longue
période de paix en combinaison avec une nouvelle constitution de beaucoup de pays causaient du
reste une augmentation de la prospérité pour les gens et répandaient de
l'optimisme et de la confiance en l'avenir. La vie culturelle était accessible pour toutes les
couches, on sortait dans les cabarets afin de s'amuser ou de se moquer. La gaieté, la
lasciveté et l'air extérieure à se faire remarquer régnaient
(l'esthéticisme anglais, les courtisanes françaises, les music-halls, les
cafés-bordel, les valseuses de Vienne). La peinture, l'artisanat et l'architecture s'engageaient
dans de nouvelles voies autant que la musique. L'art pénétrait dans la vie quotidienne.
Autant caractéristique pour cette période est la transition à l'époque des
masses déjà mentionnée ci-dessus.
Si l'on ne peut déjà pas préciser le début de la Belle Epoque - à
quoi bon? -, toutefois il est sûr qu'avec la première guerre mondiale elle est
terminée. Dans les années 1910/11 l'Art Nouveau tout d'un coup est soudain
démodé, les premières tendances vers l'expressionisme et le bauhaus se montrent
depuis longtemps et Gustav Mahler décède. Il n'est sans doute pas faux de voir ici
la fin de la Belle Epoque. Mais pour moi, il y a une date exacte que je considère d'avoir
terminé la Belle Epoque une fois pour toutes comme par un fanal symbolique: le 15 avril 1912.
Avec le Titanic s'enfonçaient l'optimisme imperturbable, la confiance technique naïve et
l'image d'un avenir splendide plein de joie de vivre. Les terreurs de deux guerres mondiales à
venir se montrent à l'horizon, et l'assurance cède à l'angoisse.